Au cours des ans, ce village s’est appelé Esclabes, Exclebs, Esclèbes ou même Esclaibes. Son nom pourrait venir du tudesque (germain) essche (frêne) et du latin ambla (aulne). Il pourrait aussi venir du celtique escles (bord, rive) et aiwe (eau), puisque l’eau traverse le village.
Une hache en pierre polie, époque néolithique, prouve bien l’existence de présence humaine, il y a environ cinq mille ans.
Le région était habitée par les Nerviens deux mille ans avant Jésus-Christ.
Jules César arriva, dit-on, en 47 avant Jésus-Christ et aurait vaincu les Nerviens à Saint-Rémy, non loin de là. Les Nerviens adoptèrent et adaptèrent alors la civilisation romaine. Bavay, à 15 km d’Éclaibes, était une ville importante à l’époque, d’où partaient sept voies romaines. Un aqueduc venant de Floursies (à 5 km) traversait Éclaibes pour l’alimenter.
Au IIIe siècle, les Francs envahissent la région puis, vers 450, les Huns la pillent. Enfin, les Mérovingiens débarquent.
Le christianisme se répand ; les moines défrichent les forêts et entreprennent de vastes chantiers. Ils fondent les abbayes Sainte Aldegonde à Maubeuge en 618, Hautmont en 640, Maroilles en 653, et Liessies en 760.
En 803, le pape Léon III, en allant bénir la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, s’arrête à Hautmont. En 880, l’abbaye fut pillée par les Normands. La région devint Le Hainaut en 843 et fut gouvernée par des comtes héréditaires, vassaux des empereurs d’Allemagne.
Le château d’Éclaibes date du XIe ou XIIe siècle. Il est ceint d’un rempart extérieur bordé de fossés. Un pont-levis et quatre tours intérieures reliées par un autre rempart de deux mètres d’épaisseur ainsi qu’un chemin de ronde en constituaient une défense efficace. Il ne comportait pas de donjon mais des tours hautes de seize mètres et de neuf mètres de diamètre. La tour qui subsiste (dite « tour de la Sorcière ») a abrité un fauconneau (petit canon) pouvant lancer des projectiles de 2,5 kilos. Les bâtiments du manoir se trouvaient à l’intérieur de cette tour : chapelle, salle d’audience, salle de garde. La ferme se situe au nord, entre les deux remparts. Elle est à ce jour encore habitée et exploitée.
Le blason des seigneurs d’Éclaibes comporte trois lions d’argent couronnés d’or sur fond de gueules (c’est-à-dire de couleur rouge). Il est agrémenté d’un casque de chevalier, avec cimier, feuilles de chêne et soutenu par deux hérons. « A moi ne tien Éclaibes » était la devise des seigneurs et signifie sans doute « à moi appartient Éclaibes ».
Les seigneurs d’Éclaibes étaient suzerains de nombreux fiefs variables selon les époques. Ils étaient les vassaux des seigneurs d’Avesnes, eux-mêmes vassaux des comtes du Hainaut.
Dès la première croisade, à la suite de Godefroy de Bouillon et surtout, lors du prêche de la seconde croisade à Liessies, Binche, Mons et Valenciennes par Saint Bernard, les chevaliers du Hainaut partirent en masse pour la Guerre Sainte. Deux seigneurs d’Éclaibes y furent tués. À titre posthume, ils reçurent le titre de Chevaliers de Jérusalem et du Mont Sinaï.
Plus tard, Louis XI, en guerre contre le Duc de Bourgogne dit Charles le Téméraire –qu’il finit par vaincre– vint, par deux fois, attaquer Avesnes. Il la pilla avant d’y mettre le feu. Puis il s’attaqua au Quesnoy et à Maubeuge qu’il brûla. C’est pendant cette période qu’il séjourna au château d’Éclaibes. Le Hainaut resta cependant une possession de la Bourgogne et les seigneurs d’Éclaibes furent donc les vassaux de Charles Quint. L’un d’eux, Gilles IV, devint proche de l’empereur et épousa la fille d’un puissant comte puis fut tué en combattant les Turcs, alliés de François 1er en 1532.
Jean III, dont le nom figure sur les pierres du château, fut chambellan de Charles Quint. En 1535, il accompagna celui-ci à Tunis et se trouva au premier rang lors de la prise de La Goulette. Il aurait séduit une des filles du Bey de Tunis et se serait enfui avec elle pour l’épouser. Cervantès raconte une histoire semblable dans Don Quichotte (chapitres 39 à 41).
Le château d’Éclaibes fut plusieurs fois assiégé sous Louis XIII et Louis XIV qui convoitaient le Hainaut, alors encore possession espagnole. Turenne reprend Maubeuge en 1665 et la région devient définitivement française lors de la Paix de Nimègue, le 17 septembre 1678.
Les troupes espagnoles, qui avaient apporté la peste, contaminèrent les paysans épuisés par les privations.
Louis XIV séjourna au château d’Éclaibes sur l’invitation du prince de Croÿ qui l’incita à en faire une place forte puisque s’y trouvaient eau et carrières. Le roi y semblait favorable mais un incident le fit changer d’avis. À la fin du repas, il fit venir la chaise percée pour y assouvir un besoin naturel. Mais le meuble était si vétuste qu’il s’effondra sous le poids du Roi-Soleil ! « Peste soit d’Éclaibes et de son meuble » s’exclama-t-il ! Et il fit fortifier Maubeuge au lieu d’Éclaibes… Jusqu’à la fin du XIXe siècle, c’était faire injure aux habitants d’Éclaibes que de mimer l’effondrement du souverain.
Lors de la bataille de Wattignies, en octobre 1793, le prince de Cobourg avait fait barricader toutes les routes pour bloquer Maubeuge. Jourdan, chef des républicains assisté de Carnot, fit percer de nombreuses trouées dans les haies, puis ce fut l’attaque héroïque où s’illustra le petit tambour Sthrau et enfin la victoire qui débloqua Maubeuge et coupa la route de Paris.
Le dernier descendant de Charles de Croÿ était un baron qui mourut sans postérité en 1740. Il avait cédé ses terres au duc d’Orléans, le père de Philippe Égalité. À sa mort, la liquidation de ses biens se fit au profit de ses créanciers. Cela prit plusieurs années et, en 1810, le château devint la propriété de Philippe Joseph Cuissot, maire d’Éclaibes et ancêtre des propriétaires actuels.
L’église, dédiée à Saint Étienne et dont la partie la plus ancienne date du XIIe siècle, appartenait à l’abbaye de Liessies. Elle a été remaniée à la fin du XVIe et le chœur au début du XVIIe. Enfin, le clocher a été reconstruit en 1889. A l’intérieur, un très beau Saint Étienne du XVIe et un confessionnal du XVIIIe classé à l’inventaire des Monuments historiques.
En 2013, elle a fait l’objet d’une rénovation complète (toiture, murs…). À cette occasion se sont révélées des spécificités architecturales très intéressantes, notamment une ouverture restaurée qui permet d’en dater la construction.
L’étang créé dans la vallée du ruisseau des Cligneux, pour les besoins du château, date probablement de la même époque. Il approvisionnait les habitants en poissons et constituait la réserve de poissons de l’abbaye d’Écuélin, village voisin. Par ailleurs, ces eaux faisaient tourner un moulin. Primitivement composé de deux pièces d’eau successives séparées par une digue en terre qui existe toujours, l’étang a une superficie de 5 hectares.